Allocution informative de Madame Julienne Lusenge au conseil de sécurité des Nations-Unies sur la situation en République Démocratique du Congo.

Madame La Présidente ALBANA DAUTLLARI ; Madame BINTOU KEITA ; Représentante du Secrétaire General ; Distingués Représentants des Etats et Gouvernements des pays membres ;

 Je m’appelle Julienne LUSENGE, Je suis directrice du Fonds pour les femmes congolaises (FFC en sigle) et Présidente de l’organisation SOFEPADI.

Au nom des femmes congolaises, je vous remercie madame ALBANA DAUTLLARI, présidente de la session pour l’opportunité qui m’est offerte de partager avec le CONSEIL DE SECURITE quelques points sur la situation des femmes dans ce contexte de conflits qui perturbe notre vie et détruit nos valeurs communautaires. Mais avant tout, je profite de cette occasion pour remercier pour l’engagement de certains pays aux cotés de l’Ukraine et exprimer ma solidarité et compassion avec le peuple ukrainien et particulièrement les femmes et les enfants.

  1. Au moment où l’Est de la RDC, mon pays, vit une instabilité politique, sécuritaire et humanitaire sans précédent, cette session se présente comme une énième opportunité pour mener des actions CONCRETES afin de mettre définitivement un terme à cette tragédie qui n’a que trop duré et qui fait la honte de l’humanité. La situation sécuritaire se détériore gravement à cause du terrorisme des ADF ; du M23 ; des FDLR ; de la CODECO et d’autres groupes armés   malgré les efforts de la mission de maintien de la Paix et de stabilisation, les opérations menées par les forces de défense et de sécurité congolaises, appuyées par les Forces de défense populaires de l’Ouganda (UPDF) dans le cadre de l’Etat de siège décrété en Mai 2021 dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Je voudrai remercier et féliciter madame Bintou Keita pour son engagement aux coté des casque Bleu sur terrain et de la population pendant les affrontements récents. Je présente mes condoléances aux familles des casques Bleu décédés dans mon pays.
  2. La position de pays voisin en faveur des rebelles du M23 ENTRAVE la Paix dans cette partie du territoire.

La RDC compte à ce jour, plus de 5,5 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays. Les populations hôtes sont coupées de leurs ressources. Pouvez-vous imaginer que les mamans préparent la poussière, la terre pour nourrir les enfants à la place de la bouillie de maïs ou de soja !

  1. Plusieurs enfants orphelins sont sans assistance dans le territoire de Beni et en Ituri. CES ENFANTS sont hébergés par les femmes veuves ou des familles dépourvues de tout. Les mineurs se livrent au sexe de survie. Les femmes d’Oicha se disent traumatisées par la cruauté des ADFs.
  • Qu’il me soit permis d’évoquer ici le témoignage de notre compatriote FURAHA, exprimé en ces termes : « Un membre de ma famille a été enlevé et les bourreaux nous ont exigé la rançon de 700 $. La parcelle familiale a été mise en gage pour avoir cette somme. Les kidnappeurs m’ont indiqué le chemin à suivre pour déposer l’argent et m’ont exigé de me présenter physiquement. C’était un piège qu’ils m’ont tendu pour me ligoter, me tabasser et me déshabiller. Ils ont égorgé un homme Nande, ont arraché ses entrailles et m’ont demandé de préparer. Ils m’ont apporté deux bidons d’eau pour nettoyer et apprêter les condiments. Ils ont fait manger à tous les prisonniers la chair humaine. Le reste du corps a été transporté par les prisonniers pour une autre destination. Tard la nuit, ils sont arrivés dans un autre camp, m’ont violée toute la nuit et soumise à d’autres sévices corporels. Quelques jours plus tard, j’ai été relâchée par un élément de la même milice CODECO qui m’a indiqué le chemin. Malheureusement, j’ai été encore arrêtée par un autre groupe dans un autre village et détenue esclave sexuelle durant plusieurs jours. Là aussi on m’a fait préparer et manger la chair humaine. J’ai subi toute sorte de traitement dégradant et inhumain. Un jour par la grâce de Dieu, j’ai pu fuir et revenir à mon village. Le membre de la famille pour lequel la rançon avait été exigée était déjà assassiné. »

 

En offrant les services aux survivants dans les zones en conflits, les acteurs sont confrontés entre autres aux contraintes et défis suivants :

  1. La détérioration continue de la situation sécuritaire à cause de l’activisme des groupes armés qui empêchent parfois d’autres victimes d’accéder aux soins dans les délais de 72h;
  2. Plusieurs obstacles pour les victimes à accéder à la justice : l’insuffisance des juges, le manque de réparation après condamnation des auteurs ; la distance pour atteindre les tribunaux, les difficultés dans la collecte et conservation des preuves ;
  3. Nous constatons l’amplification de méfiance entre : la population et les dirigeants, entre les différentes communautés, envers les humanitaires, envers la mission de maintien de la paix à cause de l’insécurité et les souffrances qui augmentent chaque jour. Nos efforts de   renforcement de la cohésion sociale, les formations sur la cohabitation pacifique pour atténuer les conflits au sein des communautés sont annihilés par ces souffrances extrêmes.

 

Eu égard à ce tableau ci-haut peint, les recommandations pertinentes ci-après conviennent d’être formulées aux membres du Conseils :

  • Mettre fin à l’ambiguïté sur la situation qui se passe à l’Est de la RDC. LES RAPPORTS DES EXPERTS DES NATIONS UNIES sont à votre disposition et montrent l’implication de pays voisin aux cotés de M23 ;
  • Arrêter d’applaudir ce pays qui se développe sur les morts et les violences sexuelles faites aux femmes et aux filles par l’exploitation illicite de nos ressources et l’instrumentalisation des groupes armés. Ceci maintient l’instabilité dans la région de grands Lacs ;
  • Redoubler des actions et renforcer les mécanismes de concertation dans le but de rendre effective la protection de la population civile surtout dans la partie Est à l’approche des élections ;
  • Soutenir les efforts des communautés dans l’assistance de la population civile, ECOUTER leurs cris de détresse, appuyer les programmes qui cherchent des solutions alternatives et durables en vue de sauver des vies ;
  • Agir de sorte que les problèmes du Rwanda avec les FDLR soient traités au Rwanda et non pas en RDC; le Rwanda doit donc dialoguer avec les FDLR au Rwanda ;
  • Agir effectivement pour l’instauration d’une justice internationale pour le Congo, et pour la prise de décisions conséquentes partant du rapport Mapping. Les Nations-Unies doivent cesser de fermer les yeux sur des morts que compte la RDC ;
  • Apporter plus d’aide médicale et psychologique aux survivants ;
  • Poursuivre les efforts luttant contre l’insécurité alimentaire mondiale actuelle causée par la guerre en Ukraine et ses ramifications en Afrique et surtout ses impacts sur les femmes et les enfants. En outre, il y a lieu que l’Assemblée générale des Nations Unies et tous les Alliés et partenaires organisent d’urgence un forum qui se concentrera uniquement sur la résolution de ce problème d’insécurité alimentaire et sur l’atténuation de ses impacts en Afrique.
  • Assister davantage les orphelins ;
  • Lancer des initiatives anti-prostitution par la réduction de la pauvreté (financées par la communauté internationale.

Merci

Julienne LUSENGE

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