La lutte contre la violence sexuelle

La lutte contre la violence sexuelle doit se faire en partenariat avec les acteurs locaux

Publié le 12 décembre 2013 sur le site web du FCO (Foreign & Commonwealth Office)

Notre blogueuse-invitée, Julienne Lusenge, est une défenseure des droits humains travaillant pour l’éradication de la violence sexuelle et sexiste dans les zones déchirées par la guerre à Béni et  en Ituri en République Démocratique du Congo (RDC). Elle est présidente de l’ONG Solidarité féminine pour la Paix et le Développement Intégral (SOFEPADI), intervenant dans la promotion et la défence des droits des femmes et des enfants. Bien que menacée de mort suite à ses efforts pour obtenir justice et la restauration de la paix, elle et son ONG ne sont pas dissuadées de cette lutte. Elle a initié un Fonds pour les Femmes Congolaises qui alloue des subventions aux organisations travaillant à la base  dans la promotion des droits des femmes. Elle a reçu le premier Prix de Droits de l’Homme de l’ambassade de France et a été décorée Chevalier de la Légion d’Honneur de la République Française.

J’ai eu le privilège de participer, le 13 novembre 2013 à Londres, à la conférence Internationale sur  la violence à l’égard des femmes et des filles en situation d’urgence. Cette conférence était organisée par le Département britannique pour le Développement International (Department for International Development – DFID) sous le thème « Keep Her Safe » « Protégeons-la ».

Cette conférence est une première  qui a rassemblé une vingtaine des chefs d’Etats et des Gouvernements ainsi qu’un nombre important d’acteurs humanitaires tels que des ONG internationales, des organisations de la société civile et des Agences des Nation Unies.  L’un des points saillants de la conférence avait consisté en la reconnaissance par les participants que la sécurité des filles et des femmes devra désormais constituer une priorité de toutes les agences humanitaires au même titre que d’autres interventions essentielles telles que nourriture, eau et abri.

Réunir autant d’Autorités et de décideurs pour discuter de la question des violences sexuelles est une avancée significative pour les femmes et les filles. Car la question des violences sexuelles et de violences basées sur le genre est restée  pendant longtemps un tabou.

Par ailleurs, pendant toutes ces années de guerre, la RDC a vu s’affronter des dizaines des groupes armés et a subi différentes implications des conflits des pays voisins. Ces guerres ont eu des conséquences énormes sur les femmes, les enfants et les jeunes filles.

Pour s’en convaincre, les statistiques collectées par SOFEPADI renseignent que de 2010 jusqu’à la fin 2012, 2227 nouveaux cas de violences sexuelles ont été documentés en territoire et ville de Beni et en Ituri. L’âge des victimes identifiées varie entre 2 ans et 80 ans. Il se constate que la tranche d’âge des victimes les plus touchées par les violences sexuelles varie entre 11 et 24 ans et représente plus de 52 % des cas de violences sexuelles.

Sur la même période, un total 2992 agresseurs ont été répertoriés dont 1786 civils (soit 59%); 759 hommes en uniformes (26%) (L’armée régulière, la Police Nationale Congolaise, les Gardes Parcs, ADF/NALU…) et enfin 447 miliciens (soit 15%).

En matière de soins, sur 2227 victimes identifiées, 1257 ont été soignées avant 72 heures soit 57% et 970 après 72 heures soit 43%. Bien que limitées aux territoire et ville de Beni et Ituri, ces statistiques sont le reflet du phénomène généralisé des violences sexuelles qui sévit dans les zones de conflit ou autrefois en conflit en RDC.

L’utilisation du viol comme arme de guerre s’est traduite par la normalisation du viol, érodant toutes les limites ou contraintes sociales contre la violence sexuelle, aggravant ainsi le phénomène de violences sexuelles et augmentant le phénomène de violences basées sur le genre et ses conséquences pour les femmes.

La conférence de Londres a été l’occasion pour certains acteurs de  reconnaître publiquement que sous leurs mandats, il y a eu des faiblesses dans la répression des actes de violences sur les femmes commis par leurs hommes. Et des recommandations  ont été formulées dans le sens du changement.

La présidence du Royaume-Uni au Conseil de Sécurités des Nations Unies a eu un impact remarquable sur les avancées dans la prise en considération par la Communauté Internationale  de la question de violences sexuelles en zones de conflit.

Je voudrais saluer ici la Résolution  2106 du Conseil de Sécurité des Nations Unies votée à l’unanimité le 24 Juin 2013. Cette Résolution a été proposée par le Royaume-Uni et vise à renforcer la lutte contre l’impunité pour les auteurs de violences sexuelles en période de conflit.

Je salue également toutes les initiatives et différents plaidoyers menés par le Royaume-Uni  auprès du Gouvernement congolais sur les  violences sexuelles en RDC. Il faut reconnaître en outre que la RDC a posé un pas essentiel, en signant des communiqués conjoints avec les Nations Unies reconnaissant l’existence des violences sexuelles dans le pays et s’engageant à y répondre. La RDC fait également partie des pays qui ont endossé la Déclaration d’engagement pour éradiquer la violence sexuelle dans les conflits sous l’initiative du Ministre britannique des Affaires Etrangères, William Hague.

Tout en reconnaissant les efforts de la Communauté Internationale pour endiguer ce mal, je voudrais toutefois souligner que la conférence du 13 novembre à Londres s’est uniquement focalisée sur les ressources financières nécessaires aux ONG internationales et agences du système des Nations Unies.

Autant il est important de soutenir le travail des organisations internationales intervenant dans la lutte contre la violence sexuelle en zone de conflit, il est tout aussi important de soutenir les ONG locales dont la plupart n’ont pas accès aux financements extérieurs. Nous aurions souhaité que cette conférence considère le travail de terrain abattu par les organisations féminines locales, et soutienne leurs actions.

Il est important que l’éradication de la violence sexuelle contre les femmes et les filles soit mise en œuvre conjointement avec les acteurs de terrains dans un esprit de partenariat afin de répondre aux besoins réels.

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